La commission transports du Parlement européen a adopté à une large majorité (21 voix pour et 13 voix contre) une résolution rejetant la proposition de la Commission européenne instaurant de nouvelles règles pour le personnel aérien, notamment en termes de temps de vol, de repos ou de garde.
Ce vote a été accueilli par les cris et les applaudissements des nombreux pilotes et personnels navigants venus de toute l’Europe et présents dans la salle de commission. Il s’agit là d’une première victoire pour ceux qui ont posé une ou plusieurs journées de congé pour assister à un vote de quelques secondes.
J’espère que cette proposition de rejet sera soutenue par une majorité des députés européens lors du vote en séance plénière.
En proposant de nouvelles règles, la Commission européenne souhaite harmoniser les dispositions relatives au temps de vol du personnel navigant afin d’établir un niveau uniforme de sécurité de l’aviation civile en Europe.
Le défi à relever est de taille. Un sujet d’une telle importance doit, selon moi, donner lieu à un examen approfondi de la proposition législative en commission transports et tourisme.
La législation européenne sur le temps de vol a bien évidemment des conséquences très significatives sur la sécurité du transport aérien et sur les intérêts sociaux du personnel. La limitation du temps de vol et de repos est bien sûr une question politique. Cette dernière devrait, selon moi, être abordée dans le cadre d’une procédure de codécision plutôt que d’une procédure de comitologie comme c’est le cas aujourd’hui.
Le rôle du Parlement européen ne peut être uniquement cantonné à accepter ou à rejeter la proposition. Nous devons pouvoir être en mesure d’amender le texte pour l’améliorer sur certains points.
Il est inconcevable de laisser la question du temps de travail des personnels navigants de l’aérien sous l’emprise unique de la Commission européenne et l’Agence européenne pour la sécurité aérienne (AESA) sur lesquelles le contrôle du Parlement Européen, et donc des citoyens, ne peut que s'exercer de manière limitée.
On ne peut remettre en cause le fait que la proposition de la Commission européenne apporte des améliorations non-négligeables au texte existant, notamment vis-à-vis dans de pays comme l’Irlande, le Royaume-Uni et l’Espagne qui pratiquent une aviation low-cost et qui ne disposent d’aucune limitation de temps de vol. Mais malheureusement, cette révision ne prend pas suffisamment en compte la sécurité et la santé des pilotes et du personnel navigant.
De mon point de vue, la proposition législative de la Commission européenne ne reflète pas correctement les résultats des études scientifiques menées.
Pour rappel, à l’époque des négociations du précédent règlement en 2008, le Parlement européen avait insisté sur la nécessité d’établir de nouvelles limitations de temps de vol et de repos « sur la base des résultats d’une évaluation scientifique et médicale ».
Dans le cadre de cette révision, la Commission européenne a cependant décidé d’ignorer plusieurs études scientifiques qui recommandaient fortement de limiter le temps de service quotidien à 13h le jour et 10h la nuit. Elle propose aujourd’hui d’autoriser l’atterrissage d’un avion par des membres d’équipages maintenus en éveil depuis plus de 22h et de permettre un temps de service quotidien continu pouvant aller jusqu’à 17h sans pause ni repos à bord !
De nombreux sondages ont ces derniers jours mis en avant la fatigue et le surmenage de pilotes qui s’endorment dans leur cockpit en plein vol. Il semble dès lors invraisemblable que la Commission européenne nous propose d’allonger leur temps de travail.
Le lien entre les conditions de travail et la sécurité du personnel et des passagers doit inévitablement être établi dans l’examen de cette proposition de règlement.
D’autre part, je considère que les États membres doivent rester libres d’appliquer, en matière de protection, des dispositions plus favorables au personnel navigant que celles contenues dans le règlement européen.
C’est pourquoi, je souhaite que les « clauses non régression » dans le domaine social et dans le domaine sécuritaire soient abordées dans le cadre d’un article et non pas d’un considérant. Les considérants 4 et 5 proposés sont intéressants mais ne valent rien juridiquement. Le caractère contraignant de l’article est ici plus que nécessaire.
À titre d’exemple, les règles françaises sont beaucoup plus favorables que les limitations proposées par la Commission européenne en termes de repos et de limites maximum de temps de vol.
Malheureusement, certaines compagnies aériennes ont déjà tendance à privilégier les limites fixées dans le règlement CEE 3922/91, appelées « EU-OPS », à la place des règles nationales plus favorables. Dans un contexte de crise et d’austérité, certaines compagnies aériennes utilisent ces limitations pour réviser à la hausse le temps de travail des navigants et accroître leur productivité.
Sans clause de non régression contraignante, le « dumping » entamé par les limitations européennes va s’aggraver, les dispositions nationales ou contractuelles plus favorables disparaîtront, l’emploi et les conditions de travail seront lourdement impactés.
Pour ces raisons, j’appelle l’ensemble des Députés européens à voter en faveur de la résolution rejetant le texte de la Commission européenne lors du vote en séance plénière, vraisemblablement annoncé pour le 23 octobre.
J’espère sincèrement qu’un tel rejet poussera la Commission européenne à revoir sa copie en proposant cette fois –ci une révision acceptable par l’ensemble des personnels navigants en Europe.