Retrouvez la tribune que j'ai rédigé pour le Nouvel Obs:
"Le mensonge nuit toujours à autrui : même s’il ne nuit pas à un autre homme, il nuit à l’humanité en général et il rend vaine la source du droit".
Cette mise en garde du philosophe allemand Kant résonne particulièrement dans une période où extrémismes et rumeurs les plus folles vont jusqu'à faire retirer les enfants des écoles de la République.
Faisant fi de la sagesse de Kant, le Front national n'existe qu'à travers ses boucs-émissaires et les mensonges qu'il invente à leur sujet. L'éventail des ennemis extérieurs est large pour le parti de la fille Le Pen : l'Europe comme premier bouc-émissaire, mais aussi l'immigration, l'islam, les juifs, les homosexuels...
Dénonçons par la preuve les lubies de l'extrême-droite.
1er mensonge : l'Europe est la cause de tous les problèmes
Pour le FN, l'euro et l'Europe seraient la mère de tous les problèmes de la France, ce serait d'ailleurs des grands économistes qui l'affirmeraient.
Oui il y a mensonge car, quand Paul Krugman, prix Nobel d'économie, s'insurge contre l'euro, c'est bien plus contre les plans d'austérité imposés que contre la monnaie européenne. Le problème est bien l'orientation politique choisie par l'Europe et non l'existence de l'euro.
Plus qu'un mensonge, c'est une véritable entreprise nationaliste et populiste que le Front national veut mettre en avant à l'occasion des prochaines élections européennes.
2ème mensonge : la seule solution est de sortir de l'euro
Malheureusement pour le Front national, l'euro ne souffre pas de son existence mais de son inachèvement. Il marche sur une seule jambe même si nous sommes en train de le compléter pour qu'il soit plus économique que monétaire.
Je pense à l'union bancaire que nous construisons et qui permettra de faire face aux crises bancaires sans utilisation de l'argent du contribuable. Surtout, je pense à ce gouvernement et ce parlement de la zone euro que de plus en plus d'États appellent de leurs vœux.
Ce sont là des réponses adéquates à la crise bien plus que le marasme économique et financier que provoquerait la fin de l'euro, ce que les mêmes économistes de renom cités par la fille Le Pen ne manquent pas de souligner.
3ème mensonge : l'Europe est le cheval de Troie du libéralisme
Il n'y a pas d'antithèse entre le soutien à l'idée d'une construction européenne et la critique de l'austérité ainsi que de la gestion exécrable de la crise grecque par la troïka.
Retirer ce débat aux Français, c'est leur retirer la possibilité même de décider de l'orientation européenne, c'est le niveau zéro de la démocratie.
Le Parlement européen s'attèle d'ailleurs à cette critique de l'austérité imposée à la Grèce grâce à une enquête parlementaire européenne sur le rôle de la troïka dans la crise de la dette grecque.
Si la présidente du Front national ne relève pas ces efforts européens tels que je les explique, c'est bien parce qu'elle brille par son absence dans les travaux du Parlement européen.
4ème mensonge : les Européens rejettent l'euro
Contrairement à ce qu'affirme la fille Le Pen, une majorité d'européens pense que l'euro est bon pour l'Europe – à 68% – et une majorité pense que l'euro est bon pour leur pays – à 57% –, ces pourcentages ont même augmenté entre 2012 et 2013.
Tenter d'alimenter une rumeur sur le désamour généralisé pour la monnaie commune et créer un effet d'entrainement, voilà la stratégie destructrice de Mme Le Pen.
5ème mensonge : le FN n'est pas l'ennemi des minorités
Lorsque les dirigeants frontistes se contorsionnent pour ne pas condamner des propos haineux sur les juifs, ou quand le Front national relaie des rumeurs absurdes sur la présence de militants homosexuels dans nos écoles pervertissant nos enfants, ou encore quand il fait référence à des textes européens inexistants pour attiser le climat de haine envers autrui, cette obsession frontiste des minorités nous frappe comme une évidence.
Ces exemples prouvent que sans boucs-émissaires le FN n'existe pas. Il est révélateur de constater que la fille Le Pen s'est associée avec la Ligue du Nord, ce parti fasciste italien qui traite d'orang-outang la ministre italienne de l'Éducation car elle est noire, pour s'opposer à un simple texte européen suggérant de lutter contre toutes formes de discriminations...
Le mensonge comme programme politique
Au final, avec le Front National, le mensonge est érigé comme programme politique.
Vérité et éthique doivent néanmoins être nos maîtres-mots dans un moment où les électeurs européens sont au cœur d'une crise économique et sociale sans précédent et doutent de l'Europe.
Voilà deux valeurs fondamentales que nous les démocrates devons défendre à l'occasion des prochaines élections européennes. Respecter les électeurs, c'est leur tenir ce discours d'une Europe protectrice mais en construction, d'une Europe trop libérale mais en réorientation, de notre Europe en somme, mais d'une autre Europe.
Paul Krugman se qualifie lui-même d'eurosceptique et même s'il admet qu'une sortie de l'euro coûterait cher, il estime que le maintien à flots de la monnaie unique représente un coût structurel colossal... Sur ce sujet c'est donc vous M. Pargneaux qui mentez!
"Retirer ce débat aux Français, c'est leur retirer la possibilité même de décider de l'orientation européenne, c'est le niveau zéro de la démocratie."
Que faîtes-vous du referendum de 2005 ? Cela fait longtemps que les français sont dépossédés des questions européennes.
Vous ne manquez pas de cynisme sur l'état de la Grèce: Qu'est-ce que le parlement européen a fait depuis 6 ans pour atténuer le malheur grec ?!!
Aurez-vous le courage, ou disons honnêteté, de nous expliquer à nous pauvres électeurs comment vous comptez relancer l’économie en Europe malgré une telle cure d'austérité ? Comment tout cela débouchera-t-il vers la résolution des grands défis écologiques qui nous attendent ?
Rédigé par : henriot | vendredi 14 février 2014 à 17:13