Le 10 décembre dernier, l’EFSA (Autorité européenne pour la sécurité des aliments) a rendu son rapport sur la réévaluation de l’aspartame.
Dans son avis l'EFSA considère que l'aspartame "ne présente aucun risque pour la santé avec les niveaux aujourd'hui autorisés en Europe". "Pour la population générale, la dose journalière acceptable (DJA) actuelle de 40 mg par kg de poids corporel par jour constitue une protection adéquate. Il n'y a donc pas lieu de revoir ce DJA", juge l'agence.
Selon moi, l'avis de l'EFSA présente de graves manquements aux règles de la déontologie de l'expertise.
Les reproches que l’on peut lui faire sont nombreux : études académiques récentes ignorées, confiance inconditionnelle à des travaux non publiés dans des revues scientifiques et financés par les industriels, paragraphes directement inspirés par une publication de consultants de l'industrie, conflits d'intérêts, etc.
La dose journalière admissible (DJA) de de 40 mg par kg de poids corporel par jour a été calculée par la Food and Drug Administration (FDA) américaine, sur la foi d'études sur des animaux, menées en 1973 et 1974 par l'industrie. Celles-ci n'ont jamais été publiées.
C'est malgré tout toujours sur ces études que le panel de l'EFSA s'appuie pour maintenir la DJA de 40 mg/kg/j.
L'Autorité devrait obligatoirement procéder à une révision de la base journalière admissible sur base d'études plus récentes.
Plus embarrassant encore, dans la section "Effets de l'aspartame sur la cognition et le comportement" du rapport européen, une soixantaine de lignes sont quasi identiques à des passages d'un article de synthèse publié en 2007 dans une revue rédigée par des consultants de l'industrie (Critical Reviews in Toxicology). Pour cette section de son rapport, la conclusion de l'EFSA est identique à celle des consultants.
L'importance accordée aux études industrielles est malheureusement révélatrice. Les études de Stegink, Filer et Bell, financées par Nutrasweet (premier fabricant d'aspartame) sont citées quatorze fois dans le rapport.
A l'inverse, trois études de longue durée, menées sur le rat et la souris entre 2005 et 2010 par l'Institut Ramazzini – toutes suggérant un lien entre aspartame et cancérogénèse –, ont été invalidées par les experts de l'EFSA, qui suspectent des biais expérimentaux.
Enfin, six de la vingtaine des membres du panel d'experts de l'EFSA ont des conflits d'intérêts pour avoir travaillé de façon étroite avec l'industrie agroalimentaire.
En conclusion, l’EFSA continue de produire des avis au mépris des règles de base de la déontologie de l’expertise et de couvrir ainsi une fraude manifeste. Elle continue d’écarter les études qui mettent en cause le choix de la DJA de 40 mg/kg le plus souvent sans raison. C’est un processus de même type qui est en cours avec le bisphénol A, pour lequel l’EFSA continue d’ignorer 95 % de la littérature scientifique.
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.