Conserves, bonbonnes d'eau, tickets de caisse... Après 3 années de travail, deux cent experts de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) ont mis en évidence des risques potentiels pour la santé d'une exposition au bisphénol A (BPA). En particulier chez la femme enceinte.
Pour la première fois, l'Agence a évalué les effets des expositions réelles de la population au bisphénol A par voie alimentaire, mais aussi par inhalation via l'air ambiant et par voie cutanée au contact des produits de consommation.
Résultat, c'est l'alimentation qui contribue à 84 % à l'exposition de la population au BPA, avec en première ligne les boîtes de conserve (50 % des sources alimentaires). Les bonbonnes d'eau en polycarbonate sont elles aussi pointées du doigt. Elles constituent une source significative d'exposition au bisphénol A en particulier chez la femme enceinte chez qui sa consommation, ajoutée aux autres expositions, peut "entraîner un risque additionnel pour l'enfant à naître" (16% de la contamination par ce perturbateur endocrinien provenant de l'air et 6% des poussières domestiques).
Les travaux ont par ailleurs identifié d'autres situations d'exposition, notamment liées à la manipulation de tickets de caisse ou encore de reçus de cartes bancaires en papier thermique. Quatre types d'effets sur la santé du BPA ont été retenus par l'Anses, qui s'est basé sur une revue de toutes les études disponibles au plan international. L'Agence fait état d'un risque qualifié de "modéré" par la majorité des experts, concernant les effets sur la glande mammaire. Selon l'Agence, "certaines situations d'exposition de la femme enceinte au BPA présentent un risque pour la glande mammaire de l'enfant à naître".
En d'autres termes, les enfants exposées in utero au bisphénol A pourraient avoir un risque accru de contracter un cancer du sein plus tard dans leur vie. Les risques concernent potentiellement les enfants des deux sexes, est-il précisé dans le rapport.
Concernant les trois autres types d'effets examinés pour l'évaluation des risques (effets sur le cerveau et comportement, effet sur le métabolisme et obésité, effet sur le système reproducteur féminin), le risque apparait "négligeable".
Une autre question tout aussi problématique, est de savoir si les produits estampillés "sans bisphénol A" sont vraiment dénués de risques.
Pour en savoir plus, l'agence a étudié les alternatives au BPA, 73 au total, certaines déjà utilisées et d'autres encore en développement. Aucune d'entre elles ne peut remplacer le BPA dans l'ensemble de ces applications. Des solutions ne pourront être apportées qu'au cas par cas.
Là encore, l'agence tire la sonnette d'alarme quant à l'utilisation d'autres bisphénols, comme le bisphénol S, déjà introduit en remplacement dans la confection de certains biberons. Toutes ces substances partagent une structure chimique commune qui leur confère des propriétés similaires aux œstrogènes, hormones synthétisées notamment par les ovaires. Autrement dit, il ne s'agit pas de remplacer un perturbateur endocrinien par un autre.
Ce rapport de l'ANSES semble avoir impressionné l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Cette agence qui exclut depuis 2006 à peu près tout risque pour la santé humaine devait donner en mai prochain les résultats d’une nouvelle évaluation du Bisphénol A. Après communication du rapport de l’ANSES, l'EFSA a reporté sa mise à jour à l'automne 2013 "afin de tenir compte du travail considérable effectué par l'agence française".