Depuis le traité de Lisbonne, l’article 11 du traité sur l’Union européenne fait de la démocratie participative un outil de renforcement de la légitimité démocratique de l’UE ainsi qu’un principe fondamental de gouvernance. Le dialogue entre la société civile et les Institutions européennes est dès lors devenu un instrument majeur dans le processus de formation des politiques et de la législation de l’UE.
Le traité de Lisbonne a ouvert une fenêtre d’opportunité pour le développement du dialogue entre la société civile et les Institutions de l’UE mais force est de constater que dans la pratique les mesures de démocratie participative sont quasiment inexistantes dans les institutions européennes.
Pour résumer, après la proclamation de la nécessité d’associer la société civile au processus de prise de décision européen, il est temps de donner une consistance réelle et concrète à cet article 11.
Un dialogue civil européen existant mais ni structuré, ni institutionnalisé
Depuis les années 1990, une intensification de la mise en place de procédures de consultations et d’un dialogue sectoriel plus ou moins structuré avec la société civil témoigne d’une prise de conscience croissante de la part de l’UE de l’utilité de donner à la société civile la possibilité d’intervenir dans le processus de décision européen.
Dans la pratique, ce dialogue civil prend trois formes :
- Le dialogue vertical correspond dialogue sectoriel entre les organisations de la société civile et leurs interlocuteurs au sein du pouvoir législatif. Ce dialogue correspond principalement à des consultations publiques où des organisations de la société civile peuvent répondre à des questions ou problématiques posées par les institutions européennes dans des domaines où ces organisations ont une compétence particulière.
- Le dialogue transversal est un dialogue régulier et structuré entre les Institutions européennes et l’ensemble des composantes de la société civile
- Le dialogue horizontal est un dialogue entre des organisations de la société civile elles-mêmes sur l’évolution de l’UE et de ses politiques.
Ces formes de dialogues n’ont aucune structure stable et varient considérablement selon les institutions européennes concernées :
- Le Conseil a des pratiques très limitées d’invitation à des conseils informels. Son processus de préparation de ses décisions est très opaque.
- La Commission européenne a des pratiques très variables selon les Directions Générales. Dans le meilleur des cas, les partenaires sociaux ont toujours une place prépondérante par rapport à la société civile.
- Le Parlement européen organise régulièrement des Agoras citoyennes pour que les Membres du Parlement européen et la société civile discutent des grands sujets de l’agenda politique européen.
La Commission a présenté, le 8 février dernier, une proposition de statut de la fondation européenne, dont le but est de permettre aux fondations de se consacrer plus facilement à des causes d'utilité publique au niveau de l'UE.
Ceci constitue une grande avancée dans la reconnaissance de la société civile au niveau européen. Il reste toutefois à finaliser cette reconnaissance à travers l’élaboration de statuts européens pour l’ensemble de la société civile : les associations et les mutuelles.
Comment structurer le dialogue civil au niveau européen
Trois points me semblent nécessaires afin de solidifier le cadre de participation de la société civile avec les institutions européennes :
- La reconnaissance de statuts européens pour les associations et les mutuelles
Des statuts européens des associations uniques permettraient aux associations d’intervenir dans n’importe quel pays de l’Union, avec les mêmes droits que ceux accordés aux associations du pays d’accueil, ce statut contribuant au développement du fait associatif au sein de l’Europe et renforçant le poids de la société civile, de la démocratie participative et de l’entreprenariat social européen.
Victime de la politique du mieux légiférer de la Commission Barroso (entendre moins légiférer), l’idée de statuts européens des associations a été peu à peu oubliée. C’est par la voix du Parlement européen que cette question est revenue sur le devant de la scène. Une déclaration écrite a en effet été signée le 10 mars 2011. Celle-ci demande à la Commission européenne de faire au plus vite une proposition de règlement sur le statut des associations européennes.
Conférer des statuts européens aux associations est le premier pas pour la reconnaissance d’une société civile dont la légitimité est européenne. Sans des associations représentatives des intérêts des citoyens de différents pays et pouvant agir hors des frontières d’un seul État Membre, on ne peut sérieusement envisager un dialogue utile et efficace avec les Institutions européennes. Ce n’est qu’avec la reconnaissance de ces statuts que l’on pourra mettre en place un dialogue efficace entre la société civile et les institutions européennes.
- La qualification des participants au dialogue civil européen
La participation au dialogue civil européen devrait s’effectuer sur la base de critères de représentativité qui assurent la crédibilité des acteurs. Le Comité Économique et Social Européen à proposer une série de critères judicieux :
- représenter des intérêts généraux
- être composé d’organisations qui sont représentatives des intérêts qu’elles défendent aux niveaux des États Membres
- disposer d’un mandat de représentation et d’action au niveau européen
- avoir des organisations affiliées dans la majorité des États Membres
- Être indépendant de toutes directives extérieures
- Une formalisation institutionnelle du dialogue civil européen
Les responsabilités des parties au dialogue européen, les droits et les obligations des institutions et des organisations de la société civile sont à établir pour permettre un dialogue stable et durable.
Il faudrait prendre exemple sur les codes de conduite qui on été mis en place au niveau national telle que la charte d’engagements réciproques en France signée en 2001 par Lionel Jospin)
Ce que les institutions européennes peuvent faire pour favoriser le dialogue civil européen
Voici quelques pistes de réflexion pour créer au sein même des institutions des éléments de dialogue avec la société civile, des points repères qui permettront de rationnaliser et régulariser le travail conjoint. Ce sont des propositions avancées par de nombreux groupe de réflexion et que nous avons abordées lors de la réunion des assises des associations de l'Europe :
- La désignation de référents pour le dialogue civil au sein des institutions européennes.
- La vice-présidente de la Commission européenne est chargée des droits fondamentaux et de la citoyenneté, le dialogue civil devrait être logiquement intégré dans ses attributions à l’avenir.
- Un des Vice-Présidents du Parlement européen devrait aussi être l’interlocuteur de la société civile
- La création de groupes structurés de dialogue civil vertical, en particulier avec les réseaux européens représentatifs de la société civile organisée
- dans le cadre des travaux de toutes les Commissions parlementaires ;
- à l’intérieur de chaque DG de la Commission
- dans le cadre des travaux du Conseil
- La mise en place d’une instance interinstitutionnelle permanente de dialogue civil transversal pour consulter la société civile organisée sur les grandes questions d’actualité relative à l’avenir de l’UE
- L’organisation d’une conférence annuelle de la société civile organisée en vue de contribuer à l’élaboration de l’agenda politique européen et impliquant l’ensemble des institutions européennes
- La préparation par la Commission européenne d’un livre vert sur le cadre structuré du dialogue civil européen. L’Acte pour le marché unique rédigé par Mario Monti en 2010 appelait déjà la Commission à proposer un acte législatif pour institutionnaliser le dialogue civil. Il est grandement temps que la procédure démarre officiellement.
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