Lors de l’accueil à Lille de la Task Force Roms de la Commission européenne, ce vendredi 20 mai, j’ai pu évoquer, avec l’ensemble des acteurs impliqués sur le dossier de l’insertion des Roms, les actions que nous menions au sein de Lille Métropole.
Cette Task Force Roms a été créée en septembre 2010 pour évaluer l’utilisation des fonds de l’Union européenne par les Etats membres. La proposition de créer ce groupe de travail était incluse dans l’analyse de la situation des Roms en France et en Europe de la Vice-Présidente Viviane REDING, Commissaire UE à la justice, Làszló ANDOR, Commissaire UE à l’emploi, aux affaires sociales et à l’inclusion, et Cécilia MALMSTRÖM, Commissaire UE aux affaires intérieures.
Cette rencontre nous a permis d’échanger avec Alexandros TSOLAKIS, responsable de la Task Force Roms à la Direction Générale pour la Politique régionale (DG Regio) de la Commission européenne, et Patrice BAILLEUX, responsable du bureau de représentation pour la Région Nord-Pas-de-Calais à la DG Regio. Nous avons ainsi pu aborder les difficultés mais également les succès que nous pouvions rencontrer sur la métropole au regard d’une question d’exclusion complexe qui lie dimensions européenne et locale.
Le 5 novembre 2010, Lille Métropole Communauté Urbaine (LMCU) a adopté une délibération-cadre pour affirmer son engagement politique sur la question de l’accueil des populations migrantes et plus largement sur la question de l’accueil et de l’hébergement d’urgence en général. Par cette approche centrée sur les questions de logements et de migrations, les élus de LMCU, de gauche comme de droite, ont manifesté par la même occasion une volonté de prendre en compte la question du logement des populations migrantes Roms.
Le 5 avril dernier, la Commission européenne a publié un document pour inciter les Etats membres à définir une stratégie nationale d’intégration des Roms et à débloquer les fonds européens disponibles pour une telle politique, notamment en matière de logement.
Cette approche de la Commission européenne, qui rejoint par certains aspects ce que nous faisons localement au sein de Lille Métropole, nous semble être la bonne. Car malgré tous les dispositifs européens existants ou les initiatives de certaines collectivités locales, l’Etat reste la structure qui résiste à la mise en place de politiques susceptibles de répondre à l’urgence humanitaire que constitue la situation des Roms.
La France a par exemple adopté des mesures transitoires au moment de l’élargissement à la Roumanie et la Bulgarie. Elles contraignent par exemple les citoyens de ces pays à demander des titres de séjour comme le feraient des ressortissants des pays tiers.
Dans ce contexte national qui pèse énormément dans la difficulté d’insertion socio-économique des ressortissants roumains et bulgares roms, les élus locaux sont contraints d’agir hors de tout cadre national garantissant une équité entre les territoires et de faire preuve de volontarisme au regard du désengagement de l’Etat, voire de son hostilité, sur la question de l’accueil des populations migrantes.
La démarche de LMCU, telle qu’exprimée dans la délibération du 5 novembre 2010, s’inscrit essentiellement dans une approche globale sur l’hébergement d’urgence. Mais LMCU par cette décision a fait la démonstration que la volonté politique pouvait faire la différence sur la question des populations migrantes Roms. Ce soutien politique a permis ainsi de faciliter le travail des acteurs associatifs, comme l’AREAS ou l’AFEJI, pour intervenir sur les questions de logement, de scolarisation ou de santé.
Pour nourrir les travaux de la Task Force Roms de la Commission européenne et sa réflexion sur les « bonnes pratiques », j’ai ainsi présenté les actions que nous menons concrètement dans la commune d’Hellemmes avec 6 familles Roms. En lien étroit avec l’Atelier Solidaire, l’A.R.E.A.S, le CCAS d’Hellemmes, le Collectif Hellemmois d’Aide Humanitaire, l’Espace Solidarité Hellemmes, l’Association de riverains du quartier du Pavé du Moulin, le Centre de Soins Paul Clermont et les Jardins dans la ville, nous avons mis en place plusieurs actions en faveur de ces familles.
Scolarisation des enfants dans les écoles hellemmoises, organisation d’un évènement festif le 23 décembre dernier, ateliers lecture, ouverture sur les structures hellemmoises, création d’un jardin partagé ou encore accompagnement vers le logement sont des exemples de mesures mises en œuvre localement.
Ce sont bien sûr des solutions transitoires, voire d’urgence, qui permettent de répondre à certains problèmes du quotidien. Mais ceci est bien sûr loin de résoudre la question de l’insertion socio-économique des populations migrantes Roms, qui impliquerait de résoudre les questions de titres de séjours, d’emplois, de logement ou de discriminations.
Dans le cas d’Hellemmes, les démarches se font en collaboration avec les familles qui ont choisi de s’inscrire dans ce cadre. C’est ainsi qu’une commission d’attribution a permis la répartition des abris provisoires sur la base de critères qui ne sont pas neutres mais portant engagement de la part des familles attributaires. Un comité de pilotage a ainsi été mis en place et s’est réuni le 20 janvier dernier en présence de collaborateurs de LMCU et du Département du Nord pour définir ensemble des actions concrètes.
Tout ceci démontre une volonté politique commune de se saisir de la question et d’y apporter des réponses dans le cadre de politiques existantes et du droit commun. Cependant, pour que les choses progressent et pour préserver la volonté politique exprimée par LMCU, il est nécessaire qu’émerge également un soutien politique au niveau du gouvernement français et de ses relais au niveau des préfectures de région.
Cette approche offre des succès certains à l’image des villages d’insertion, à Faches-Tumesnil ou à Lille-Fives par exemple, qui sont un élément crucial du parcours de résidence des familles. Cependant, la politique que nous mettons en œuvre au niveau de LMCU est l’objet de remises en cause multiples : certains reprochent aux dispositifs mis en place de faire appel d’air, d’autres élus sont légitimement inquiets pour la cohabitation entre leurs administrés et les personnes accueillies, certains redoutent également la manière dont les dispositifs d’accueil spécialement conçus pour les Roms peuvent être perçus comme un traitement préférentiel qui se ferait au détriment d’autres populations défavorisées.
Les élus sont ainsi confrontés à une série de difficultés politiques sur ce dossier. C’est dans cet esprit que j’ai appelé la Commission européenne, par l’intermédiaire de ses représentants Alexandros TSOLAKIS, responsable de la TASK FORCE Roms et Patrice BAILLEUX, responsable du bureau de représentation pour la Région à la DG Régio au sein de la Commission européenne, à soutenir nos initiatives en facilitant notamment les procédures de demandes de financements pour les projets déposés par les associations et collectivités de Lille Métropole.
Cependant, certains obstacles politiques de taille demeurent, notamment concernant le statut de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’UE. Ces obstacles, au regard des multiples remises en cause du principe de libre circulation par les Etats membres de l’espace Shengen, sont hélas loin d’être pouvoir levés dans un futur proche et dans contexte européen marqué par la montée des populismes.