Dans la perspective de la session plénière du Parlement européen qui débutera lundi 8 février, Madame Rachida Dati a fait part, à l'ensemble des députés européens, de son intention de déposer un amendement au projet de résolution sur les résultats de la Conférence de Copenhague sur le changement climatique rédigé par les sociaux-démocrates.
Par le biais d'un email, Madame Dati propose d'introduire au sein de la résolution une référence à l'instauration d'une taxe carbone aux frontières de l'Union européenne.
J'ai souhaité réagir à cette proposition en lui adressant la réponse suivante:
Chère Madame Dati,
Chère collègue,
Dans un premier temps, j'avais pensé que l'instauration d'une taxe carbone aux frontières de l'Union européenne pouvait être une mesure intéressante pour lutter contre les délocalisations et éviter l'importation de produits originaires de pays qui ne respectent pas les normes environnementales.
Après réflexion, il me parait que la création d'une taxe de 0,01% sur les transactions financières, de type Tobin, serait une mesure plus crédible, plus efficace et surtout plus facile à mettre en œuvre dans la pratique que la taxe carbone aux frontières de l'UE. Cet instrument financier rapporterait 20 milliards d'euros par an et permettrait aux pays en développement de s'adapter aux changements climatiques.
L'échec de la Conférence de Copenhague doit nous inciter à opter pour des solutions concrètes, réalistes et pouvant avant toute chose faciliter un consensus entre les Etats. L'instauration d'une taxe carbone qui stigmatise les pays les plus pauvres ne permettra pas la conclusion d'un accord mondial. Les pays développés doivent, plus que jamais, prendre leurs responsabilités vis-à-vis des pays en développement.
Nous devons aller au-delà d'un catalogue de bonnes intentions. Le 19 décembre 2009, des promesses ont été faites concernant un financement nouveau et additionnel qui s’élève à 30 milliards d'euros d'ici 2012 et à 100 milliards d'euros d'ici 2020. Six semaines plus tard, cette solidarité reste à définir. L'Union européenne s'est engagée à verser d'ici trois ans 7,2 milliards d'euros, le Japon 8 milliards, les Etats-Unis 2,6 milliards, la France 1,26 milliards et le Royaume-Uni 1,36 milliards.
D'ores et déjà, nous pouvons dire que ces aides ne seront pas nouvelles et très peu additionnelles.
Ainsi, si des promesses à court terme ont été faites, il faudra les honorer.
Sur la question du financement de la lutte contre le changement climatique, je ne peux que regretter la décision du Parti populaire européen et de vous-même qui a consisté à voter pour la suppression d'une référence à des "instruments financiers innovants, tels que l'échange dette-nature ou la taxe sur les transactions financières internationales" lors de l'adoption en séance plénière, le 25 novembre dernier, de la résolution sur la stratégie de l'UE à la Conférence de Copenhague.
Votre proposition d'amendement est en contradiction avec la position que vous avez prise avant Copenhague. Dès lors, votre intérêt soudain pour la mise en place d'une taxe carbone ne peut que me surprendre.
Les arguments que vous présentez ne me semblent pas les plus judicieux.
Dans votre email vous indiquez que "l'Europe doit démontrer toute sa détermination vis-à-vis des pays qui n'ont pas des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre aussi ambitieux que les nôtres". Présent à la Conférence de Copenhague au sein de la délégation du Parlement européen, je puis vous dire que tous les pays ont émis le souhait de participer, à des niveaux certes différents, à la lutte contre le changement climatique. Les Etats membres de l'Union européenne ne sont pas aussi exemplaires que vous le pensez. Aussi, il est préférable de réfléchir à des propositions permettant d'avancer ensemble et non pas l'inverse.
L'instauration d'une taxe carbone, au-delà de la difficulté de sa mise en œuvre dans la pratique, ne m'apparait pas non plus comme le meilleur rempart pour lutter contre les délocalisations.
Pour toutes ces raisons, je ne m'associe pas à votre proposition d'amendement.
Cordialement,
Gilles Pargneaux
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