La délégation socialiste française au Parlement européen a voté contre l'investiture du Collège des commissaires proposé à l’approbation de l’assemblée le 9 février dernier. Les raisons qui ont amené le Parlement à se prononcer en faveur du Collège des commissaires répondent à des impératifs institutionnels. Nous considérons que la Commission européenne doit porter un projet politique.
La légitimité des politiques élaborées au plan communautaire a toujours reposé sur une tension entre deux vecteurs opposés mais complémentaires : la dynamique fédérale et l’ancrage démocratique national. Dans ce cadre, validé par les mécanismes électoraux propres à chaque niveau de décision, la Commission européenne est le garant de l'intérêt général communautaire et a, selon les Traités, l'initiative des lois. Elle est la messagère et le moteur de l'avancée fédérale, en opposition au Conseil européen, qui représente le juste intérêt des Etats. Or, le début des années 2000 a consacré le retour des Etats dans la construction européenne, et les décisions sont souvent issues d'équilibres complexes entre ceux-ci, au détriment parfois de la nécessaire définition de notre projet commun. La Commission est donc un organe affaibli.
Monsieur Barroso, au milieu d’un monde secoué par les crises financière, énergétique, alimentaire et climatique, agrémentées par ailleurs d’une défiance sans précédent dans l’opinion publique pour la classe politique et le Politique en général, s’est contenté d’être le plus petit dénominateur commun aux solutions nationales. Au-delà des désaccords idéologiques majeurs qui nous séparent, l’actuel Président de l’exécutif est sans conteste à l'origine d'un essoufflement de la Commission européenne en tant qu'entrepreneur innovant de politiques publiques. Ce constat amène une question gênante : M. Barroso, dont on peut dire sans crainte de se tromper qu’il est ultralibéral, servirait-il son projet politique premier en tentant de démontrer que l’intervention publique, quelle qu’elle soit, est forcément inopérante?
C’est la raison pour laquelle la délégation socialiste française avait décidé, le 16 juillet dernier, de ne pas voter en faveur du candidat Barroso au poste de Président de la Commission européenne.
Six mois plus tard, le 9 février dernier, après avoir auditionné les candidats au poste de commissaires européens et en avoir déduit que leur mandat, à quelques exceptions près, répondrait aux mêmes impératifs, nous avons, en conscience, décidé de voter contre cette Commission européenne dans son ensemble.
Nous n’entendons pas céder au fatalisme, car nous croyons que des alternatives solides existent.
Le Parlement est désormais totalement codécideur en matière agricole. Les travaux de certains de nos camarades ont permis d’élaborer des propositions politiques crédibles pour maintenir une exigence élevée de production sur le sol européen sans affamer les pays du Sud.
De la même façon, l’assemblée est placée à égalité avec le Conseil en matière de définition de la politique économique de l'Union. Au moment où la crise est la plus forte pour l’ensemble de la population européenne, nous devons être capables d’arrêter une stratégie de réponse commune de croissance et d’avancer vers la constitution d’une gouvernance économique de l’Union plus juste et plus protectrice. Les socialistes y travaillent depuis la législature précédente. Des textes existent, nous devrons construire des majorités pour les faire adopter.
Dans le domaine environnemental, nous portons l’idée d’une taxe sur les transactions financières visant à financer les politiques de lutte contre le changement climatique. Si les Etats membres ne sont pas prêts à consacrer une partie de leurs ressources à ces politiques essentielles, nous devons trouver les moyens là où ils sont. La droite européenne a, lors du vote sur les suites à donner au sommet de Copenhague, réussi à enterrer notre amendement. Nous n’abandonnerons pas.
La politique européenne n’est plus une question institutionnelle : les règles du jeu sont maintenant clairement établies et la lutte peut commencer. L’avenir de l’Union, c’est une responsabilité que nous partageons. Les socialistes pèseront donc de tout leur poids pour faire entendre leur voix dans l’hémicycle et dans la loi.
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