Entre 17 et 18 tonnes ! Telle est l’incroyable quantité de mercure qui est déversée chaque année dans les dents creuses des Français, sous forme d'amalgame dit à tort "plombage", pour en obturer les caries.
Il s'agit d'un peu glorieux record européen car le mercure, chacun le sait depuis longtemps, est un dangereux poison - notamment un redoutable neurotoxique -, dont on essaie un peu partout de débarrasser la dentisterie. La Suède, la Norvège, le Danemark, le Canada en ont interdit l'emploi par les dentistes, ou du moins strictement restreint l'usage.
Le gouvernement américain s'est prononcé pour la "suppression progressive des amalgames", de même que le Conseil de l'Europe. La France continue à faire cavalier seul, réaffirmant son opposition officielle à toute interdiction des amalgames.
Pour ces raisons, en novembre dernier j’avais interrogé la Commission européenne sur l’éventualité d’une diminution voire d’une interdiction de l’usage de l’amalgame dentaire à l’échelle européenne.
La semaine dernière, la Commission européenne m’a indiqué que « rien ne permettait de conclure que l’utilisation d’amalgames dentaires dans les soins bucco-dentaires en France soit dangereuse pour la population concernée ». L’avis de la Commission est fondé sur une étude du Comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux (CSRSEN) sur l’innocuité des amalgames dentaires, adoptée en mai 2008.
En réaction, je souhaite remettre en cause la pertinence de cette étude menée par un groupe d’experts peu objectifs.
Pour rappel, en 2008, le groupe d’experts du CSRSEN était constitué de la façon suivante : un ingénieur (Président), quatre dentistes, un toxicologiste et deux vétérinaires. L’absence d’expert en médecine de ce groupe en comparaison à la surreprésentation des dentistes aurait dû être notée.
La formation et l’expérience clinique des dentistes ne leur permettent pas de juger des effets systémiques médicaux causés par les amalgames dentaires, tels que la sclérose en plaques, l’autisme ou la maladie d’Alzheimer.
D’autre part, les organisations dentaires sont, aujourd’hui, le seul groupe commercial de professionnels de la santé à soutenir l’usage de mercure dentaire. Notons que chaque amalgame breveté est réalisé selon les spécifications des organisations dentaires. Ces dernières sont de facto responsables en cas d’effets secondaires provoqués par la pose de ces produits.
Sur cette base, je ne peux que douter de la transparence et de l’objectivité des conclusions de l’avis du CSRSEN. Pour cette raison, je demande à la Commission européenne si elle n’estime pas que cet avis devient caduc à partir du moment où la présence de tels conflits d’intérêts peut être relevée.
La Commission européenne vient de m'adresser les éléments de réponse suivants:
L’avis du Comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux (CSRSEN) relatif à la sécurité des amalgames dentaires a été formulé conformément aux principes d’indépendance, de transparence et d’excellence qui sous-tendent le fonctionnement du système des avis scientifiques de la Commission européenne.
La composition du groupe de travail du CSRSEN sur les amalgames dentaires a été arrêtée conformément aux pratiques habituelles. Après identification des différents types d’expertise requis, des experts ont été recensés et invités à faire partie du groupe et à soumettre, à cet effet, un curriculum vitae et une déclaration d’intérêts. La nomination des experts a été confirmée au terme d’un examen minutieux de leurs qualifications professionnelles et de leurs déclarations d’intérêts par le CSRSEN et la Commission. Ce processus a permis de garantir qu’aucun conflit d’intérêts ne risquait de compromettre la capacité des experts à travailler de manière indépendante et objective. La Commission considère que la profession d’un individu, en l’occurrence celle de dentiste, ne constitue pas un conflit d’intérêts a priori.
En outre, la méthode de travail collégiale, le regard constant des pairs et la composition pluridisciplinaire des comités scientifiques de la Commission fournissent de solides garanties procédurales quant à l’objectivité et à l’impartialité scientifique des avis rendus. Si les projets d’avis sont élaborés par le groupe de travail dans un cadre collégial et pluridisciplinaire, c’est le CSRSEN réuni en plénière qui l’adopte, après un examen minutieux par les pairs et d’éventuelles modifications. Dès lors, l’avis scientifique sur la sécurité des amalgames dentaires, comme tout avis du CSRSEN, est le fruit d’un travail, d’un examen par les pairs et de discussions approfondis, chaque expert apportant un point de vue différent et contribuant à l’exhaustivité et à l’objectivité de l’avis rendu.
Cette réponse n'est pas satisfaisante. La composition du groupe d'experts ne peut être considérée comme un reflet des principes d'indépendance, de transparence et d'excellence.