Le Président de la Commission européenne, le luxembourgeois Jean-Claude Juncker, a présenté mercredi 10 septembre sa nouvelle équipe de commissaires européens. En juillet dernier, il nous avait transmis un certain nombre de signaux positifs -une promesse d'un plan de 300 milliards d'euros et une extension potentielle de la garantie jeunesse- lors de son audition au Parlement européen. Malgré ces signaux, je n'ai pas pu voter en faveur de M. Juncker. Je me suis abstenu car je souhaitais des actes concrets avant de me prononcer définitivement. Cette nouvelle équipe conforte mon abstention de juillet car elle m'apparaît paradoxale et ambigüe.
Une Commission européenne cadenassée
Cette commission est paradoxale car au moment où l'Europe a besoin d'une nouvelle impulsion et d'une nouvelle direction, elle est plus que jamais entre les mains des partisans du statu quo austéritaire. Le combat contre la finance folle perd de sa superbe lorsque l'on constate que c'est l'anglais Jonathan Hill qui sera le commissaire en charge de la régulation financière. Comment faire croire aux européens qu'un ancien lobbyiste et chantre de la City va s'atteler sérieusement à la régulation des marchés financiers? De même, l'infléchissement de la politique en faveur de la croissance semble renvoyé aux calendes grecques avec la nomination du champion toutes catégories de l'austérité au poste de vice-président en charge de l'emploi, la croissance, l'investissement et la compétitivité, le finlandais Jyrki Kataïnen.
Entre les mains des champions de l'austérité et de la City, le tout avec l'assentiment de l'Allemagne, Jean-Claude Juncker est un Président de la Commission européenne cadenassé.
Dans cette Commission européenne à la ligne politique loin des attentes des Européens, Pierre Moscovici obtient le poste prestigieux et important de Commissaires aux affaires économiques et financières. Les responsabilités de Pierre Moscovici l'amèneront ainsi à promouvoir des politiques de croissance en Europe, à poursuivre la construction de la zone euro mais aussi à assurer la stabilité budgétaire de l'Union européenne. Comme Français et comme Socialistes, nous devons à la fois nous en féliciter et le féliciter. Néanmoins, on peut craindre que l'action du commissaire européen français soit entravée par le mur d'austérité que représente la majorité des membres de la Commission européenne de M. Juncker. D'autant plus que ce dernier a soigneusement découpé les compétences économiques de la Commission européenne pour laisser place au flou artistique sur les prérogatives de chacun.
Je serai donc vigilant dans les mois à venir pour permettre une véritable réorientation économique de l'Europe. De plus, j'estime que la vertu de cette Commission européenne n'est guère convaincante.
Une Commission européenne à la vertu critiquable
La meilleure réponse à l'euroscepticisme et aux anti-européens qui gagnent les populations européennes est un comportement irréprochable de la part des hommes politiques européens. Or, la liste de personnalités proposée par M. Juncker pour composer sa Commission n'est pas exempte de brebis galeuses.
Miguel Arias Canete, le candidat commissaire espagnol, cumule conflits d'intérêts dans le secteur du pétrole (préoccupant pour quelqu'un qui sera en charge de la lutte contre le changement climatique...) et un sexisme avéré au cours de la campagne électorale des européennes en Espagne.
Du côté letton, les choses ne sont pas meilleures. Le candidat Dombrovskis fait actuellement l'objet d'une enquête pour corruption dans une affaire où il a favorisé l'entreprise détenue par son épouse.
Le tableau peut encore être noirci avec la nomination de l'Irlandais Phil Hogan qui s'est fait remarquer par sa discrimination envers les populations des gens du voyage, son clientélisme et son sexisme. Ou encore avec l'attribution du portefeuille de la culture, de la jeunesse et de la citoyenneté à un hongrois issu d'un parti qui fait tout pour remettre en cause l'État de droit dans son pays.
Entre éthique et politique, le combat continue au Parlement européen
Ma vigilance sera par conséquent sans faille lors des auditions des commissaires devant les parlementaires européens.
Au Parlement européen mon vote pour ce collège de commissaires est loin d'être acquis car pour l'instant le compte n'y est pas.
Tout au long de la campagne des européennes, j'ai porté avec les socialistes le message de la nécessaire réorientation de l'Europe vers la croissance et l'emploi. Or que constatons-nous? De l'espoir du changement, nous sommes passés à la peur du statu quo.
Et c'est ce statu quo qui est dangereux. Dans ce mandat qui s'ouvre, le combat contre les eurosceptiques et les anti-européens est notre priorité. La meilleure réponse face à ces pourfendeurs de l'Europe, ce n'est pas une commission résultat des marchandages des uns et des autres mais au contraire un "saut fédéral" et un rebond européen.
Notre commission devrait être une équipe engagée autour d'un projet cohérent: mettre en commun les budgets de la zone euro pour permettre une relance économique européenne, créer un parlement de la zone euro pour redonner le pouvoir aux citoyens dans les orientations économiques de l'Europe, organiser une fiscalité commune pour mettre un terme aux concurrences déloyales au sein de nos frontières...
Voilà les objectifs qui doivent être ceux de la Commission européenne. Il revient maintenant au Parlement européen de s'assurer que la Commission européenne s'engage dans cette direction. Une nouvelle fois, ma vigilance sera forte pour que la volonté de changement des européens ne soit pas oubliée. Voilà mon ambition politique pour l'Europe.