Depuis maintenant 21 ans, les frontières entre le Maroc et l’Algérie sont fermées. L’Union du Maghreb arabe n’a plus tenu de sommet sérieux et productif depuis des années et l’espoir d’un Grand Maghreb intégré s’efface toujours plus.
Fait dramatique, cette non-coopération politique a des répercussions économiques et sociales vertigineuses pour le Maghreb, c’est ainsi presque 2% de PIB qui sont perdus pour chaque pays de la région.
L’Algérie a une place singulière dans la construction de ce Grand Maghreb. Fort de sa puissance économique, le pays est un poids lourd de la région. Cette puissance n’est pourtant qu’une façade: les exportations algériennes sont constituées à 97% d’hydrocarbures… Fondamentalement dépendante de ce secteur, le moindre soubresaut de l’économie pétrolière peut provoquer de graves conséquences. Le pétrole est aujourd’hui une force sclérosante pour l’Algérie.
Sans développement des autres secteurs de l’économie, l’Algérie se retrouve au final dans une situation où sa jeunesse fait face à un chômage endémique, catalyseur de l’économie parallèle et de la désillusion vis-à-vis des politiques. N’oublions pas que les moins de 30 ans représentent 60% de la population algérienne et que près d’un quart de cette jeunesse est au chômage sans perspective d’épanouissement.
Cette chape de plomb économique et sociale doit être levée. La diversification de l’économie et l’essor d’une vie associative intense permettra à l’Algérie de donner un horizon à sa jeunesse et de coopérer avec ses voisins. L’agriculture, l’industrie agroalimentaire, le tourisme, les échanges universitaires sont des secteurs où peuvent naître des poches d’intégration maghrébine. C’est par des projets concrets qu’émergera cette Union du Maghreb Arabe qui a tant de mal à exister. Le Maghreb est la zone géographique la moins intégrée du monde, il faut désormais aller de l’avant sous peine d’être éternellement dépassé et exclu du concert des nations.
L’Algérie doit dès lors prendre toute sa place dans la construction de l’UMA, que ce soit en diversifiant son économie ou en coopérant avec ses voisins. L’Europe a évidemment un rôle à jouer dans cet élan algérien vers l’intégration régionale. Aider le pays à réduire sa dépendance au secteur énergétique dans une logique de rapprochement avec ses voisins est profondément ancré dans la volonté partenariale de l’UE et de l’Algérie, c’est toute l’ambition de la politique européenne de voisinage.
Autre point crucial qui intéresse l’Algérie, l’Europe et l’Union du Maghreb Arabe: la coopération sécuritaire comme projet clé de l’intégration maghrébine. L’Algérie à un rôle incontournable en matière de sécurité au Sahel, son histoire et sa force militaire en attestent. La république algérienne doit cependant accepter le caractère commun de la gestion sécuritaire du Sahel. Le Maroc tient une conférence à Rabat pour le renforcement de la sécurité régional entre le Sahel et le Maghreb le 14 novembre, c’est un signal pour relancer cette coopération sécuritaire avec le Maroc que l’Algérie a toujours refusée. Elle doit saisir l’occasion pour penser une ambitieuse gestion commune de la sécurité du Sahel, région où le terrorisme se joue actuellement de la faiblesse des frontières et du délitement des États sub-sahariens.
Diversification de l’économie, levée de la chape de plomb social et coopération sectorielle et sécuritaire sont les jalons qui permettront à l’Algérie de devenir un moteur de la construction du Grand Maghreb. Si l’Europe peut aider le pays dans cette démarche, la volonté politique reste la condition sine qua non de ce projet. Les décideurs algériens doivent l’entendre une année avant une élection présidentielle dont le renouvellement de la classe politique est l’un des espoirs.