Ce 25 février 2013, j'ai participé à la 3e réunion annuelle de la plate-forme des GECT du Comité des régions consacrée notamment à la problématique des transports dans les régions frontalières.
Avec un budget qui devrait avoisiner les 30 milliards d'euros si on en s'en tient au résultat du dernier Sommet européen des 7 et 8 février, le Mécanisme pour l'Interconnexion (MIE) en Europe constitue malgré son sous-financement une opportunité relle pour les régions transfrontalières.
Avec le MIE, on prend enfin en compte les besoins de ces régions frontalières qui sont parfois mieux connectées pour des raisons historiques propres aux Etats-National avec les capitales qu'avec les voisins.
En tant que député européen du Nord de la France et Vice-président du GECT Lille-Kortrijk-Tournai, je peux témoigner qu'au sein de l'agglomération transfrontalière Lille-Kortrijk-Tournai les effets frontières sont encore puissants malgré la proximité. Alors que la Flandre est un bassin d'emploi particulièrement dynamique en comparaison de la situation française, la part des échanges transfrontaliers entre Lille Métropole et les versants belges adjacents est nettement plus faible que la part des échanges internes à la métropole lilloise ou encore entre la métropole lilloise et ses territoires français adjacents.
L'effet frontière est ainsi fortement marqué en termes d'offre ferroviaire, avec deux à trois fois moins de trains sur les lignes transfrontalières, par rapport aux liaisons nationales. Dans ce contexte, l'eurométropole a pour ambition de développer une offre performante à la hauteur d'une métropole transfrontalière. Nous attendons donc beaucoup du Mécanisme pour l'Interconnexion: valoriser le rail avec un train léger ou tram-train entre Lille et Kortrijk constitue un enjeu majeur pour développer davantage d'offres. Par ailleurs, à cette échelle, nous avons également l'ambition de développer la mobilité douce cyclo-pédestre à l'échelle transfrontalière.
Dans la mesure où l'eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai est située au coeur de la liaison Seine-Escaut, nous attendons beaucoup du MIE pour la finalisation de ce projet qui doit permettre de raccorder le Nord de la France et le bassin parisien au réseau fluvial dense et performant du Nord de l'Europe. Ce maillon manquant entre deux réseaux constitue ainsi un défi incontournable pour une véritable politique transeuropéenne de transports. Actuellement, l'acheminement des marchandises en provenance du port d'Anvers s'effectue à plus de 80% par la route vers la France, participant à l'engorgement de nos routes. Cet exemple illustre la nécessité de promouvoir un nouveau système durable de transport fluvial entre la France, la Belgique, les Pays-Bas et l'Allemagne. Je salue par ailleurs le travail accompli au sein de la Commission transports au sein du PE pour expliciter la prise en compte des autoroutes de la Mer.
Si le volet transports du Mécanisme pour l'Interconnexion en Europe a pour louable ambition de développer les connexions transfrontalières, il est tout de même important de souligner que sur le plan du développement des liaisons ferroviaires, nous sommes clairement dans une période de retrait; en particulier parce que la logique de libéralisation, défendue par exemple dans le 4e paquet ferroviaire que nous allons discuter au Parlement européen dans les semaines à venir, implique de sacrifier des liaisons transfrontalières peu rentables et que les lignes transfrontalières à grande vitesse, quand elles existent, ne viennent pas compenser.
Différents exemples illustrent cette tendance inquiétante: avec la mise en place du FYRA pour la liaison Bruxelles-Amsterdam qui ne fonctionne d'ailleurs plus depuis le 17 janvier en raison de problèmes techniques à répétition, il n'y a plus de liaisons entre Bruxelles et La Haye ou Breda. Le Thalys est le lien direct maintenant entre la Belgique et les Pays-Bas. Pour aller à Lille ou à Cologne de Bruxelles, il n'existe plus de ligne directe en dehors du TGV ou de l'eurostar.
Au-delà des liaisons France-Belgique, il y a de multiples exemples de ce retrait des connexions frontalières surtout en 2011: par exemple, clôture de la liaison transfrontalière entre la Grèce et la Bulgarie (liaison Thessalonique-Promachon-Kulata-Sofia), entre l'Italie et la Slovénie, toutes les liaisons transfrontalières (notamment le train Venise-Ljubljana) ont été fermées en 2011 ou encore entre l'Espagne et le Portugal, la liaison normale Madrid-Lisbonne a été fermée le 15 août 2012. Il y a ainsi de multiples exemples sur les frontières des Etats européens de disparitions de lignes ferroviaires transfrontalières que le réseau à grande vitesse ne viendra jamais compenser au regard des investissements nécessaires que la période de crise actuelle ne favorise pas.
En tant que Président du groupe de liaison transfrontalier et frontalier soucieux de développer l'interconnexion entre régions transfrontalières, cette tendance nous inquiète. Alors que nous pensons que ces territoires doivent être des laboratoires locaux de l'intégration européenne où se fait l'expérience de la mobilité permise par la citoyenneté européenne, cette tendance de fond consacre de fait un recul de l'intégration européenne.