Après le scandale du Médiator, celui des implants mammaires PIP (Poly Implant Prothèse) met une nouvelle fois en évidence les dysfonctionnements criants de la sécurité sanitaire européenne. Combien de drames devrons-nous déplorer avant une réforme profonde des institutions européennes et nationales en charge sur les questions de santé?
Le premier responsable reste Jean-Claude Mas, fondateur de l'entreprise Poly Implant Prothèse, alias PIP. Initialement vendeur de vins, de cognac et de saucissons, Jean-Claude Mas s'intéresse aux implants mammaires dans les années 1980. Crée en 1991, son entreprise PIP se développe très rapidement, devenant à son apogée le 3ème producteur mondial et employant 120 personnes en France pour une production de plus de 100 000 unités par an.
En 2000, la Food and Drug Administration (FDA), l'agence du médicament américaine, envoie une lettre d'avertissement à Jean-Claude Mas suite à une inspection de l'usine de La Seyne-sur-Mer. Dans son courrier, l'agence évoque des prothèses "frelatées" et recense de très nombreux problèmes par rapport aux bonnes pratiques de fabrication.
A partir de 2005, plusieurs plaintes sont déposées en Grande-Bretagne contre PIP concernant des ruptures de prothèses et des problèmes de santé. La société est alors condamnée à verser 1,4 millions d'euros, mais n'est pas inquiétée par la justice française et la certification de son produit n'est pas remise en cause.
Dès 2006, des plaintes pour prothèses défectueuses commencent à être déposées en France, et des chirurgiens esthétiques français tentent en vain d'attirer l'attention des autorités en 2008 et 2009.
Mais il faudra attendre 2010 pour que l'AFSSAPS tire la sonnette d'alarme et que Jean-Claude Mas soit convoqué devant le tribunal de commerce de Toulon, procès qui se soldera par la liquidation judiciaire de PIP en mars 2010.
Les prothèses mammaires PIP se sont révélées défectueuses en raison de la présence d'un gel artisanal non-conforme à la place du gel de silicone traditionnel américain Nusil. Le gel PIP se composait d'additif pour carburant et d'agents d'enrobage de câbles électriques. Ce gel serait à l'origine d'un taux anormal de ruptures de la prothèse. 75% des implants étaient remplis de gel PIP et 25% seulement avec du Nusil.
En 2009, le prix du gel PIP était de 5 euros par litre, contre 35 euros pour le Nusil, soit une différence de 10 euros par implant et un gain d'un million d'euros par an pour une production de 100 000 prothèses. Le prix attractif des prothèses PIP est sans aucun doute l'une des raisons de son "succès commercial".
Les prothèses PIP étaient contrôlées par TUV Rheinland, un organisme allemand. L'audit avait lieu tous les ans et se faisait sur "un référentiel documentaires", assortie d'une visite du site annoncée 10 jours à l'avance au responsable de l'entreprise. Pendant ce laps de temps, le ménage était fait. Non seulement les conteneurs de gel non conforme disparaissaient sur des camions, loin des regards curieux, mais le système informatique était nettoyé pour dissimuler tout indice de tromperie.
PIP produisait jusqu'à 100 000 prothèses par an, dont 84% partaient à l'exportation, notamment en Amérique Latine, en Espagne et en Grande-Bretagne. De 400 000 à 500 000 femmes seraient porteuses d'implants PIP dans le monde. Aujourd'hui, en France, 20 cas de cancers ont été signalés chez des porteuses de ces implants. Le gouvernement a recommandé aux 30 000 femmes concernées en France de se faire retirer ces implants.
Ce drame aurait pu être évité si l'Union européenne était dotée d'un système sanitaire fort, coordonné et surtout commun. Ce n'est malheureusement pas le cas actuellement. Je reviendrai sur la responsabilité de la Commission européenne dans un prochain article.
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