Lors de son intervention télévisée de ce jeudi 10 février, Nicolas Sarkozy a une fois de plus donné aux Français l’occasion de constater combien il n’est à la hauteur ni de sa fonction ni des enjeux auxquels notre pays doit faire face.
Face à présentateur ami et à un parterre de Français repérés dans une émission notoirement bienveillante à l’égard de sa politique, le Président de la République a infligé aux téléspectateurs deux heures et demie d’une opération de communication aussi ennuyeuse que dépourvue de substance.
Affirmant dès l’entame son intention d’agir contre la délinquance des mineurs, thème rabâché ad nauseam depuis bientôt 10 ans, Nicolas Sarkozy semble oublier les 42 lois contenant des mesures sécuritaires votées depuis 2002 par la droite, soit 10% de tous les textes adoptés sur la période, dont une partie n’a toujours par reçu de décrets d’application. Un constat de carence masqué par les accents populistes d’un discours jouant une nouvelle fois sur le seul registre de l’émotion.
En réponse aux magistrats, Nicolas Sarkozy a affirmé que les moyens de la justice avaient augmenté sur les dernières années, passant sous silence la forte augmentation parallèle du nombre de procédures et surtout le fait ces moyens restent sans commune mesure avec ceux des pays comparables : la France ne consacre que 58€ par an et par habitant à ses tribunaux (ministère public et aide judiciaire comprise) contre 72€ en Italie, 75€ en Angleterre, 86€ en Espagne et 114€ aux Pays-Bas. Notre pays compte 9 juges professionnels pour 100 000 habitants, contre 20 en moyenne en Europe.
Faisant porter aux 35h une lourde part de responsabilité dans la désindustrialisation de la France, le Président de la République dédouane à bon compte son gouvernement, dont l’absence de politique industrielle, de soutien aux grandes filières publiques comme au PME est en réalité responsable au premier chef de cette évolution. Les 35h, couplées à l’annualisation du temps de travail, ont, faut-il le rappeler, permis de créer 350 000 emplois entre 1998 et 2002 et freiné l’augmentation du nombre de contrats précaires, en offrant davantage de souplesse à notre industrie.
Les promesses annoncées d’offrir une formation à chaque chômeur et de développer l’apprentissage se heurtent à la forte réduction des budgets des conseils régionaux, premiers financeurs de la formation professionnels, aujourd’hui pratiquement privés de la possibilité de lever l’impôt et soumis au bon vouloir d’un Etat de plus en plus chiche. Aucune solution en revanche pour le service public de l’emploi, insuffisamment doté et totalement engorgé face à un chômage qui continue d’augmenter en France alors qu’il baisse dans plusieurs pays européens.
Malgré la mobilisation des enseignants, dont les conditions de travail se dégradent fortement, malgré l’augmentation prévisible du nombre d’élèves, Nicolas Sarkozy maintient sans surprise sa désastreuse politique de réduction massive des effectifs de l’Education nationale, en évoquant des embauches trop généreuses au début de la décennie, alors même que le budget de ce ministère a moins augmenté entre 2000 et 2007 que dans les pays comparables.
Evoquant la dépendance, Nicolas Sarkozy propose de recourir à l’assurance privée pour financer ce risque, suivant là la logique à l’œuvre dans le domaine de la santé, et dont on peut constater chaque jour les effets catastrophiques pour les Français les plus modestes ou les plus éloignés des grandes villes, peu à peu privés d’une médecine de qualité.
Partisan du même immobilisme que son prédécesseur sur les questions agricoles, Nicolas Sarkozy se contente de défendre le maintien de la PAC quand la productivité de la filière et la qualité de nos produits sont en cause, faute de soutien public à la transformation de nos exploitations. Avec 2% de production biologique, la France est ainsi en queue de peloton des grands pays agricoles européens.
Le Président de la République a enfin défendu ses deux ministres coupables d’avoir profité pendant leurs vacances personnelles des largesses, pour l’une d’un homme d’affaires tunisien proche de Ben Ali, pour l’autre du président égyptien Moubarak. De telles pratiques, qui coûteraient ailleurs leur poste aux ministres concernés, sont donc considérées par celui qui promettait une République irréprochable comme d’anodines maladresses.
Du manque de cohérence politique du Président de la République ou de sa moralité à géométrie variable, difficile de dire ce qui est le plus inquiétant pour l’avenir de notre pays. Les socialistes, pour leur part, présenteront le 28 mai aux Français leur projet présidentiel, bâti depuis un an avec des experts, des professionnels et de nombreux citoyens, et leur ambition d’une présidence de la République digne et éthique, à même de retrouver le respect des citoyens français et l’estime des partenaires de la France.
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