Les propos irresponsables du Président de la République à l’égard de magistrats nantais, dans le seul but de profiter d’un atroce fait divers pour restaurer une popularité compromise, sont d’autant plus inadmissibles que leur auteur est censé garantir l’indépendance de la justice et la séparation des pouvoirs inscrite dans la Constitution. Loin d’être un dérapage ponctuel, ces propos s’ajoutent aux trop nombreuses attaques régulièrement lancées par M. Sarkozy contre l’institution judiciaire depuis 2005.
Pourtant, les paroles du Président de la République n’ont été que le déclencheur de la mobilisation. Depuis des années maintenant, tous les professionnels dénoncent sans résultat le manque de moyens et d’effectifs de la justice, des services pénitentiaires d’insertion et de probation et de la police, et leurs difficultés croissantes à assurer décemment leurs missions.
Avec dans les tribunaux 100 000 peines en attente d’exécution, un manque croissant de magistrats et de greffiers, des délais de jugement pouvant dépasser six mois pour un jeune primo-délinquant, avec sur le terrain 3 000 conseillers d’insertion pour 170 000 personnes placées sous main de justice, 9 000 policiers et gendarmes de moins depuis 2007 et une psychiatrie publique en déshérence, avec une institution pénitentiaire débordée, sous le feu régulier des critiques européennes, le service public de la justice et de la réinsertion se trouve contraint de gérer la pénurie.
En matière de dépenses consacrées à la justice, la France alloue 58€ par habitant et par an à ses tribunaux (ministère public et aide judiciaire compris), contre 72€ en Italie, 75€ en Angleterre, 86€ en Espagne et 115€ aux Pays-Bas. Comment admettre que les budgets d’aide juridictionnelle ou d’expertise judiciaire soient souvent épuisés en cours d’année, voire que certains tribunaux se trouvent parfois en rupture de fournitures aussi simples que du papier et des crayons ?
L’inflation législative ajoute à cette situation l’incertitude d’un contexte juridique toujours changeant et de directives parfois contradictoires, lorsqu’il faut, par exemple, tout à la fois appliquer des peines plancher et décider dès l’audience de mesures de substitution à l’incarcération. 42 lois sécuritaires ont été votées depuis le retour de la droite au pouvoir en 2002, soit 10% de l’ensemble des textes votées sur la période. Souvent redondantes, signe de leur faible efficacité, toutes ne sont pas entrées en application, faute de décrets signés par le Président de la République.
Contre cette politique de casse de l’institution judiciaire par le triple moyen du mépris, de la pénurie et de l’instabilité juridique, j’ai souhaité que les socialistes du Nord soient présents au côté des acteurs de la justice de la cour d’appel de Douai, réunis ce 10 février devant le tribunal de grande instance de Lille.
Le Parti Socialiste continuera à défendre, comme il l’a toujours fait, l’objectif d’une justice de qualité, forte, indépendante, égale pour tous et munie des moyens d’assurer ses missions. Il présentera ses propositions à l’occasion du forum des idées consacré à la justice le 14 mars prochain.