L’Agence européenne de sécurité alimentaire (EFSA) est à nouveau au cœur d’une bataille politique entre les institutions européennes, sur fond de stratégie d’influence du secteur industriel.
L’objet de la tourmente ? Un projet de réglementation européenne pour évaluer et classifier les perturbateurs endocriniens, annoncé pour courant 2013.
Pour rappel, ces substances chimiques (bisphénol A, phtalates, pesticides, etc.) sont la cause majeure dans la recrudescence de certains troubles (infertilité, cancers hormonodépendants, obésité, etc.) et sont au centre de mon travail parlementaire depuis le début de la législature.
Après un premier rapport en janvier 2012 de la direction générale de la Commission européenne chargée de l’environnement (DG environnement), l’EFSA, sous la tutelle de direction générale de la santé et du consommateur (DG Sanco), a été chargée d’établir une définition et une ébauche de classification des perturbateurs endocriniens.
Ce travail pourrait, à terme, mener à l’interdiction de nombreuses substances utilisées dans l’industrie au-delà du cadre strictement alimentaire.
Pour ce faire, il faudrait que l'EFSA nous démontre qu'elle est capable de travailler en toute indépendance et transparence sur ce dossier crucial pour la santé de nos citoyens.
Sur ce point, de sérieux doutes subsistent.
Le 3 décembre 2012, l'EFSA a très discrètement publié sur son site la composition d'un panel de scientifiques chargés de rendre, en mars 2013, un rapport sur les perturbateurs endocriniens. Sur la base des conclusions de ce rapport, la Commission européenne rédigera ensuite une proposition législative.
L'analyse de cette liste met une fois de plus en avant les conflits d'intérêts qui gangrènent cette agence européenne.
Sur les dix-huit experts nommés:
- seuls trois ont une expérience scientifique sur la question du système endocrinien
- quinze sont décrits comme "non-actifs" – c'est-à-dire ayant publié moins d'un article de recherche par an au cours des cinq dernières années
- huit ont déclaré des liens d'intérêt récents ou en cours avec des industriels – en particulier à travers l'International Life Institute (ILSI), une organisation de lobbying scientifique fondée par les principaux acteurs de la chimie, de la pharmacie, de l'agroalimentaire et de l'agrochimie.
La répartition nationale n’est pas des plus représentatives, avec cinq Britanniques et trois Allemands. Certains de ces experts ont participé à établir les lignes directrices de leurs pays dans le cadre de la consultation européenne, les plaçant dans des conflits d’intérêts intellectuels difficilement contournables.
De plus, le Royaume-Uni et l'Allemagne ont déjà adopté, en 2011, une position commune sur la définition des perturbateurs endocriniens, jugée laxiste et trop peu protectrice par de nombreux spécialistes.
La stratégie européenne sur les perturbateurs endocriniens, annoncée pour courant 2013, ne peut être fondée sur le travail de pseudos experts qui multiplient les conflits d'intérêts.
Cette incohérence me pousse à interroger une énième fois la Commission sur le traitement et la gestion des conflits d'intérêts au sein de ses agences. Par le biais d'une question écrite, je souhaite également obtenir des précisions sur le processus de nomination de ces 18 experts.
Je vous communiquerai, bien évidemment, la réponse de la Commission européenne, une fois celle-ci obtenue.