A l'occasion du Conseil national du PS préparatoire au Congrès de Toulouse qui a lieu aujourd'hui mercredi 18 juillet, les contributions générales et thématiques seront soumises aujourd'hui. C'est dans ce cadre que j'ai été signataire d'une contribution thématique sur l'Europe intitulée "pour une intégration européenne, solidaire et démocratique", avec Dominique BAILLY, Sénateur du Nord et Maire d'Orchies, Michel DELEBARRE, Sénateur du Nord et Maire de Dunkerque, Vice-président du COTER au Comité des Régions et avec Audrey LINKENHELD, Députée du Nord et Adjointe au Maire de Lille.
Je vous invite à retrouver ci-dessous les propositions que nous mettons en avant:
Pour une intégration européenne solidaire et démocratique
La victoire socialiste en France suscite un immense espoir en Europe. Avec l’accession de François HOLLANDE à la Présidence de la République, nous avons la responsabilité de matérialiser nos propositions en matière de relance du projet européen.
L’obsession exclusive sur la réduction de la dette publique sans prendre en compte la nécessité de relancer l’activité économique a largement montré ses limites à l’heure où les Etats membres de l'Union Européenne sont plongés dans la récession et confrontés au chômage de masse. Le consensus conservateur sur l’austérité comme réponse à la crise s’est heureusement fissuré grâce aux résultats du 6 mai 2012. Cette victoire attendue en France l’était aussi dans de nombreux pays européens pour qui elle doit permettre de desserrer l’étau dans lequel les orientations économiques définies par le couple SARKOZY -MERKEL retenaient différents pays.
Le socialisme dans un pays majeur comme la France doit donc marquer le début de la reconquête socialiste en Europe et de la relance du projet européen. Pour y parvenir, nous devons changer les termes du débat européen en matière de politique économique en introduisant l’impératif de la croissance et de l'investissement social.
Si le projet européen a pu être incarné par des figures politiques conservatrices comme Robert SCHUMAN, Konrad ADENAUER, Alcide DE GASPERI ou encore Jean MONNET, l'internationalisme et l'engagement pro-européen font aussi partie de l'identité de la gauche. Que ce soit avec Aristide BRIAND, Paul-Henry SPAAK, Willy BRANDT, François MITTERRAND et Jacques DELORS, les grandes étapes de la construction européenne ont été inspirées par des hommes de gauche.
Aujourd'hui, nous devons donc poursuivre le combat pro-européen afin de faire rimer Europe avec "prospérité" et non plus avec "l'austérité "qui donne l'impression qu'elle se fait contre les peuples. C'est la raison pour laquelle la démocratie européenne devra être au cœur des propositions socialistes au regard des évolutions majeures à venir en termes de gouvernance économique européenne. De nombreuses décisions dans le cadre du renforcement du pilotage politique de la zone euro seront déléguées au niveau supranational. Nous devons par conséquent veiller à préserver la légitimité démocratique des décisions européennes en s'assurant que la voix des citoyens reste entendue dans le cadre des mécanismes intergouvernementaux de gouvernance complexes qui seront mis en place.
Comme l'a appelé de ses vœux François HOLLANDE, chaque étape dans l'intégration européenne en particulier marquant un abandon de la souveraineté nationale doit s'accompagner de mesures en faveur de la solidarité. Cette vision sera véritablement le gage d'une relance du projet européen et surtout de sa légitimation auprès des citoyens.
I. Faire exister une vie démocratique européenne authentique:
Les élections européennes, si elles ne constituent pas la seule opportunité dans la vie démocratique pour parler d'Europe, doivent être dotées d'une réelle portée pour faire émerger un système parlementaire à l'échelle du continent européen. Hors de cette échéance, il faut reconnaître qu'aujourd'hui les partis nationaux autant que les partis européens peinent à assurer le lien entre les opinions publiques et les institutions de l'Union Européenne.
1. Pour que les élections européennes soient réellement associées à une politisation permettant la sélection de l'exécutif européen, il est nécessaire que le Président de la Commission européenne soit issu du groupe parlementaire arrivé en tête des élections.
2. Au-delà des échéances électorales, notre parti doit favoriser l'émergence d'une activité militante européenne en systématisant le jumelage entre les différentes fédérations et sections socialistes européennes. Au-delà de l'européanisation de l'activité des sections et fédérations, nous devons permettre l'ouverture du Parti Socialiste Européen aux adhésions directes. Dans le cadre de cette activité militante européenne, le Parti Socialiste doit organiser à intervalles réguliers, en lien avec le Parti Socialiste Européen, des campagnes de mobilisation sur des thématiques européennes fortes, à l'image de celles menées dans le cadre de la Taxe sur les Transactions Financières.
3. Au-delà de la structuration de notre activité militante en vue de prendre en compte les enjeux européens, nous devons également plaider pour que l'Union Européenne adopte des initiatives structurantes en faveur de l'émergence d'une démocratie participative européenne authentique. L'article 11 du traité de Lisbonne n'a permis que la mise en place de l'Initiative Citoyenne Européenne. Il doit se traduire par d'autres réalisations concrètes au-delà des dispositions procédurales déjà existantes comme les consultations publiques ou les registres de transparence. Certes, à la suite de la déclaration du Parlement européen du 10 mars 2011 relative à l'instauration de statuts européens pour les mutuelles, les associations et les fondations, la Commission européenne a présenté une proposition législative pour reconnaître un statut de fondation européenne. Il faut saluer cette avancée mais d'autres dispositions doivent encore être prises. Nous devons par exemple plaider pour que soit établi un statut européen des associations, suite au rejet d'un précédent texte dans le cadre de la négociation avec le Conseil.
II. Une économie sociale européenne au service des citoyens:
La réconciliation entre le marché commun et les priorités liées aux politiques sociales doit être au cœur des politiques de l'Union Européenne. Il reste cependant difficile de dépasser la division du travail qui laisse au niveau européen le soin d'adopter les mesures de libéralisation et d'ouverture à la concurrence alors que le niveau national serait celui des politiques censées gérer les conséquences sociales d'une ouverture à marche forcée. L'Union Européenne doit donc désormais montrer un autre visage pour favoriser l'investissement social et public.
4. Au regard de la nouvelle gouvernance de la zone euro et du pas vers plus d'intégration qui ont été esquissés à la faveur de la crise, il est nécessaire de s'assurer que les conditions d'un dialogue macro-économique associant en particulier les partenaires sociaux européen sont réunies. Ce dialogue au niveau européen est plus que jamais nécessaire, à la lumière des différentes mobilisations que nous connaissons dans plusieurs pays européens touchés par la crise. Les différents sommets européens où sont prises des décisions de première importance en matière économique se font aujourd'hui sans l'association des acteurs sociaux alors que de nombreuses mesures les impactent directement. La monnaie unique et la politique de modération salariale qu'implique la maîtrise de l'inflation ont des incidences sur l'évolution des salaires. Il est donc légitime de vouloir définir au niveau européen les modalités de ce dialogue social.
5. Au-delà de ce dialogue social, l'Union Européenne doit constituer un des niveaux où se mettent en place des mécanismes transnationaux de redistribution. A l'image d'une taxe sur les transactions financières, d'autres mécanismes peuvent être instaurés pour favoriser la redistribution des richesses. Le marché unique apporte de nombreux bénéfices aux entreprises. Il est nécessaire que les citoyens puissent également percevoir les bénéfices directs de l'appartenance à l'Union européenne, au-delà de la liberté de circulation.
6. Actuellement, le débat économique européen est centré sur la discipline budgétaire et l'impératif de restaurer la compétitivité de certains Etats Membres. La victoire de François HOLLANDE a permis d'introduire un pacte de croissance qui nous a fait sortir de l'impasse dans laquelle les orientations conservatrices avaient mis l'ensemble de l'Europe. Ce pacte de croissance pourrait être également complété par un pacte européen d'investissement social qui offrirait une vision intégrée liant la nécessité à court terme de la consolidation fiscale avec un investissement à long terme dans la formation et l'emploi. Ce pacte permettrait d'articuler au niveau européen une vision du progrès social à l'heure où l'UE n'est plus associée avec prospérité mais plutôt avec austérité et dégradation sociale.
7. L'Union Européenne doit désormais montrer un autre visage et favoriser l'investissement public. Ainsi, au cours des dix années d'existence de la monnaie unique, la surveillance macro-économique, dévolue notamment à la Commission européenne par le biais du Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC), s'est concentrée sur les déficits publics sans que soit considéré l'endettement privé. Toute dépense effectuée par le secteur public apparaissait suspecte alors que les dépenses réalisées par le secteur privé n'apparaissaient nullement suspectes, que ce soit en matière d'investissements privés, de consommation privée, voire de consommation privée financée par l'endettement des consommateurs. Il faudra sûrement dépasser cette conception afin de développer au niveau européen des politiques qui passent par l'investissement public. A l'avenir, la croissance économique devra être davantage basée sur l'investissement, si l'on veut que l'Europe remplisse ses devoirs envers les générations futures.
III. La responsabilité environnementale européenne:
En tant qu'expérience politique qui a contribué à la paix, la construction européenne a largement été à la hauteur de sa responsabilité envers les générations européennes d'après-guerre. Avec le grand défi contemporain que représente la protection de l'environnement, l'Union Européenne a l'opportunité de se montrer à la hauteur de ses responsabilités envers les générations futures. Le principe de solidarité qui est au cœur de nos valeurs doit également faire de la justice environnementale un élément central de notre mouvement. Notre critique du capitalisme et du laissez-faire doit se faire autant sur le plan de ses conséquences sur la cohésion sociale des communautés que sur les incidences environnementales de la surexploitation des ressources. Le niveau européen constitue dès lors le niveau d'action naturel pour gérer les interdépendances qui de fait existent entre les Etats en matière environnementale.
8. Cependant, il faut reconnaître que la promotion, notamment au niveau européen, du principe d'une "économie verte" constitue une réponse insuffisante aux défis environnementaux dans la mesure où l'on promeut, notamment par le biais de marchés carbones, de nouvelles formes de marchandisation de la nature. Il est donc nécessaire d'introduire d'autres mécanismes au niveau européen que ceux par le marché pour susciter un changement dans les comportements et favoriser la transition vers une économie à faible intensité en carbone. Les mécanismes européens de taxation, aujourd'hui sous exploités, doivent être développés.
9. Nous devons envisager le niveau européen comme le cadre pertinent de notre action en faveur de l'environnement. Cela implique de continuer à militer pour que les institutions européennes, en particulier la Commission, joue un rôle de leadership dans le cadre des négociations internationales. Au regard de la responsabilité historique des pays européens, l'Union Européenne doit en effet être à l'avant garde dans la défense des biens publics mondiaux. Cet engagement implique la mise en place d'une nouvelle gouvernance mondiale associant notamment les organisations représentatives de la société civile, en particulier issues des pays du Sud exposés aux incidences directes du réchauffement climatique. L'Union Européenne doit également déployer tous ses efforts pour favoriser la création d'une Organisation Mondiale de l'Environnement qui puisse réellement faire du droit environnemental un droit supérieur au droit commercial et financier.
Conclusion:
La crise de la zone euro constitue un test de résistance pour les mécanismes européens de prises de décision et de solidarité. Elle a surtout révélé la lenteur du processus décisionnel européen qui a un besoin urgent de réformes si nous voulons répondre plus efficacement aux défis mondiaux de différentes natures qu'ils soient économiques ou environnementaux.
Dans le cas des débats sur une plus grande efficacité dans la gestion de notre appartenance à la monnaie unique que ce soient par le biais des semestres européens de coordination ou des programmes nationaux de réformes, la légitimité démocratique doit demeurer au cœur de nos préoccupations.
N’oublions pas non plus qu’une bonne manière de renforcer cette implication des citoyens reste la participation des villes, des régions, des collectivités territoriales aux enjeux européens à travers en particulier la politique de cohésion. Le développement et l’aménagement de nos territoires est un élément constitutif de la croissance. La restructuration de bon nombre de nos agglomérations a bénéficié du concours de l’Union Européenne. Ceci constitue un important vecteur de légitimation du projet européen.
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.