A la suite des lois constitutionnelles adoptées dernièrement par le gouvernement de Victor Orban en Hongrie, de nombreuses controverses ont émergé partout en Europe. Indépendance de la banque centrale hongroise, allusion nationaliste, restriction de l'usage de l'IVG... autant de lois qu'on a bien du mal à imaginer en vigueur dans un pays membre de l'Union Européenne. Et pourtant, c'est ce que M. Orban et le Fidesz ont fait en Hongrie.
Le Parlement européen s'est rapidement investi dans ces questions extrêmement préoccupantes. De nombreuses discussions et conférences ont été engagées dans notre enceinte. En particulier, la question des médias en Hongrie a été abordée mardi 28 février dans une conférence où des membres de la société civile tels que Gyorgy Bolgar (rédacteur en chef d'une grande émission de radio hongroise) ou la SEEMO (Organisation des médias de l'Europe du sud-est), ont tenté de dégager une image claire de ce qui se passe actuellement en Hongrie et de ce dont souffre vraiment les médias hongrois..
La situation des médias actuellement en Hongrie : un climat de peur
Grâce à l'intervention de M. Gyorgy Bolgar nous avons pu avoir une vue de l'intérieur du quotidien d'un média d'opposition en Hongrie. Le rédacteur en chef de l'émission "Let's discuss it" ouvertement opposée au gouvernement, et fort de 200 000 à 400 000 auditeurs par jour, nous a décrit un climat délétère où le gouvernement fait tout pour supporter les médias pro-Orban, favoriser la restriction de la liberté de parole et établir une censure de fait. Ainsi, la législation hongroise a largement développé la notion de contenu condamnable par la loi et étendu les situations où un journaliste doit révéler ses sources. Le nouveau cadre règlementaire propose un système de co-régulation du contenu des médias par l'administration en échange d'une immunité financière. En somme, le gouvernement s'octroie un droit de regard sur des médias qui sont dans la peur constante d'une pénalité financière!
La nouvelle législation hongroise est par conséquent une menace substantielle à la diversité des médias et leur faculté à jouer leur fonction de "garde fous" en Hongrie.
M. Bolgar a pris l'exemple de sa propre station radio, KlubRadio, pour souligner la censure ambiante en Hongrie. Le Conseil Hongrois des Medias, fortement lié au gouvernement Orban, est l'organe qui décide d'accorder ou non les licences d'émission aux médias hongrois. Après l'expiration de sa licence en 2011, KlubRadio en a donc reçu une nouvelle de la part du Conseil des Medias, mais à la surprise de la radio celle-ci était une licence pour une radio musicale... KlubRadio ne diffusait quasiment pas de musique sur ses ondes auparavant et désormais elle ne peut diffuser un contenu informatif qu'à hauteur de 40% de ses diffusions totales. Changement violent dans sa ligne éditoriale! A l'inverse, des radios pro-gouvernementales n'ont eu aucun mal à récupérer leurs anciennes licences... Si à cela, on ajoute les nombreuses accusations de non professionnalisme et de manque de crédibilité adressées à KlubRadio par de fausses informations, M. Bolgar ne peut que déplorer les sombres perspectives d'avenir de sa radio...
Ambigüités et dangers des réactions de l'Union Européenne.
Le 17 janvier 2012 la Commission européenne a ouvert une procédure d’infraction à l’encontre de l’Hongrie portant sur trois points : l’indépendance de la banque centrale nationale, la retraite anticipée des juges procureurs à l’âge de 62 ans au lieu de 70 et l’indépendance des instances nationales de protection de données.
La Hongrie avait un mois pour répondre à ces questions sous peine d’actions en justice, cependant elle n’a pas fait connaitre de réponse. Le jeudi 16 février le Parlement Européen a adopté une résolution stipulant que « les autorités hongroises devront se conformer aux recommandations, objections et demandes de la Commission, du Conseil de l’Europe et de la commission de Venise et modifier les lois concernées dans le respect des valeurs fondamentales et des normes de l’Union Européenne ».
La mollesse de la réaction face à la situation hongroise est d'autant plus préoccupante qu'elle ouvre la porte à une fuite en avant où l'UE verrait ses valeurs fondamentales balayées par les égoïsmes nationaux. C'est pourquoi l'UE est plus qu'une zone de libre échange marchande : c'est une zone de libre échange des idées et des valeurs qui nous ont permis d'être unis dans la diversité et qui s'est inscrite dans le marbre de la loi à travers la charte des droits fondamentaux. C'est bien cette ambition qui fait de l'UE un modèle pour le monde, et c'est cette même ambition qui lui confère comme devoir de faire respecter ces valeurs en son sein de façon draconienne. Sans des actions fortes contre les lois constitutionnelles imposées par M. Orban, l'UE renie ses propres valeurs fondamentales et risque de se discréditer lorsqu'elle voudra les partager sur la scène internationale!
Trop de gouvernements de l'UE restent muets car ils ne veulent pas envenimer la situation actuelle en ajoutant une crise politique à la crise économique. La même situation s'est pourtant produite dans les années 30 et chacun connaît les conséquences épouvantables qui s'en sont suivies... La vraie crise c'est de maquiller l'opinion au profit de considérations populistes. Or, rien n'est plus dangereux que ce populisme ambiant qui monte partout en Europe.