A l'occasion de l'université de rentrée de la fédération du Nord du Parti Socialiste à Lomme et de la publication dans mediapart d'une tribune sur la crise de la zone euro, corédigée avec Estelle Grelier, je vous invite à lire ci-dessous cet article d'opinion ou en cliquant ici sur le lien.
Alors que l'on va célébrer les dix années de la mise en circulation de la monnaie unique au premier janvier 2012, l'intensité de la crise de la dette de certains pays membres de la zone euro constitue le stress test le plus sérieux pour le projet d'unification monétaire européen. La crise actuelle semble donner raison aux prédictions des observateurs les plus sceptiques sur la viabilité du projet de monnaie unique tel que formalisé en 1993 dans le Traité de Maastricht. L'euro a été perçu d'emblée comme une entreprise politique et économique à haut risque.
Malgré des résistances multiples et au-delà des pronostics les plus alarmistes, l'euro est aujourd'hui la monnaie commune de dix sept Etats membres : c’est un fait ; chacun est libre, en conscience et en responsabilité, de dresser un bilan personnel de cette expérience inédite sur le continent. Sans angélisme, ni diabolisation, nous considérons pour notre part que ni l’Europe, ni l’Euro ne peuvent être rendus responsables de la crise que nous vivons actuellement. Il n’en demeure pas moins que l’une et l’autre peuvent être reconnues coupables de ne pas avoir su prévenir cette crise, et par la suite y remédier.
Les politiques dont nous disposons au niveau européen sont à l'évidence inadaptées pour répondre à cette situation et gérer l'interdépendance suscitée par le partage d'une monnaie unique.
Si le volet monétaire de l'Union Economique et Monétaire (UEM) a été largement développé, comme l’illustre le poids joué actuellement par la Banque Centrale Européenne dans la résolution de la crise de la dette de certains Etats, le volet économique qui implique de s'attaquer à la question de l'emploi, de la croissance, de l’industrie ou de la compétitivité reste largement inexploré au niveau européen.
Les propositions franco-allemandes sur la gouvernance économique qui ont été récemment présentées sont bien loin du compte. La mutualisation de la dette européenne et la création d'eurobonds auraient été le prolongement logique de l'abandon de la souveraineté monétaire qu'a représenté l'euro. Leur absence dans les propositions d'Angela Merkel et de Nicolas Sarkozy laisse malheureusement présager que la crise de la dette va perdurer.
A vrai dire, le couple franco-allemand, longtemps considéré comme le « moteur de l’Europe », symbolise aujourd’hui jusqu’à la caricature l’incapacité de celle-ci à remettre en cause un modèle de développement synonyme de faillite et à imaginer des solutions de sortie de crise dépassant une logique strictement punitive. Le souhait d’imposer une « conditionnalité extérieure » entrainant une diminution des fonds structurels européens aux régions des Etats-membres ne respectant pas les critères communautaires est, de ce point de vue, particulièrement emblématique.
La faiblesse du budget européen, qui représente actuellement moins de un pour cent du revenu national brut (RNB) de l’Union européenne, ne peut permettre à cette derniière de jouer le rôle redistributif et contracyclique exigé par la crise actuelle. En plein débat budgétaire européen sur le cadre financier pluri-annuel 2014-2020, il serait urgent de penser les dépenses européennes en termes d'investissements nécessaires à la compétitivité des territoires et des travailleurs les plus fragilisés. Les recommandations du rapport Mac Dougall sur le rôle des finances publiques dans l'intégration européenne liaient déjà, en 1977, la réalisation de l'union monétaire avec l'augmentation progressive du budget européen. Ces propositions sont plus que jamais d’actualité. Pour ce qui est des ressources susceptibles d'alimenter le budget européen, une taxe sur les transactions financières permettrait d'afficher une volonté de contrôler les marchés tout en s'affranchissant des obstacles politiques posés par les contributions nationales et les débats sur le « juste retour » réclamé par les Etats-membres. Au-delà des déclarations de bonnes intentions des uns et des autres, il reste à convaincre l'ensemble des Etats membres .... dont les Britanniques, qui ont déjà indiqué leur désaccord.
Avec 22 Gouvernements sur 27 dirigés par la Droite, une Commission qui reflète strictement les équilibres en cours et un Parlement très largement acquis aux théories économiques conservatrices et libérales, le contexte politique actuel européen apparaît peu propice aux grandes remises en question. De même, la dynamique institutionnelle actuelle ne semble pas favorable à l'adoption de solutions économiques pérennes. La marginalisation de la Commission européenne au profit de la BCE va dans le sens d'une approche monétariste insuffisante pour permettre de sortir de la crise. Chargée de la surveillance macro-économique dans le cadre du pacte de croissance et de stabilité, la Commission reste l'institution qui dispose des moyens de faire prévaloir une approche économique intégrée permettant de traiter les problèmes structurels des économies composant la zone euro. Si un gouvernement économique à l'échelle européenne doit voir le jour, ce que nous souhaitons, le Parlement européen devra constituer l'arène dans laquelle les grandes orientations en matière économique seront impulsées, débattues et approuvées dans l'intérêt des citoyens européens. Il faudra sans doute revoir les missions de la BCE qui jouit d'une indépendance unique au monde et pour laquelle les objectifs de développement social croissance et d’emploi sont loin d'être prioritaires. Sans contrôle et appropriation démocratiques, les propositions sur le renforcement d'un gouvernement économique risqueraient d'être perçues comme un processus bureaucratique illégitime. Le dialogue macro-économique implique d'associer les partenaires sociaux à des débats qui ont des conséquences sur les évolutions salariales et l'emploi. Les propositions actuelles se limitent hélas à des conversations entre Nicolas Sarkozy, Angela Merkel, Jean-Claude Trichet ou Jean-Claude Juncker. De ces entretiens, peine à émerger une vision pour l'avenir économique de la zone euro et plus largement de l'Union européenne.
A défaut d’avoir été à la hauteur de la situation, lorsqu’elle était majoritaire, au tournant des années 2000, la Gauche et la social-démocratie européennes se doivent d’être au rendez-vous du défi qui nous est posé aujourd’hui. Nous y travaillons activement avec l’espoir que la Présidence du Parlement européen que nous allons prochainement exercer comme les élections nationales françaises de 2012 et allemandes de 2013 donneront « le la » de la reconquête et de nos solutions.
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